Journée mondiale de lutte contre le sida

Vulnérabilité des femmes au VIH/sida et aux Infections sexuellement transmissibles

Publié le 23.11.2009 | par Patricia Fener
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) vient de publier un rapport intitulé “les femmes et la santé.” Ce document examine l’état de santé des femmes tout au long de la vie et dans les différentes régions du monde. Il pointe les disparités hommes-femmes en matière de santé et souligne l’existence de déterminants biologiques et sociaux qui rendent les femmes plus vulnérables à certaines pathologies telles que le VIH/sida et les infections sexuellement transmissibles. Les conclusions sont sans appel pour l’infection à VIH/sida qui représente la première cause de décès et de maladie chez les femmes en âge de procréer dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, notamment en Afrique. Afin d’améliorer la santé des femmes dans le monde, l’OMS propose quatre domaines dans lesquels l’action politique pourrait avoir un impact positif sur la santé des femmes.
Ce rapport rappelle l’existence d’une plus grande vulnérabilité des femmes, par rapport aux hommes, vis à vis de l’infection à VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST), en particulier à chlamydia trachomatis et à trichomonase vaginalis.
Facteurs de vulnérablité des femmes au VIH/sida et aux IST
Vulnérabilité biologique
Sur le plan de la transmission du VIH et des IST lors des rapports hétérosexuels, les femmes présentent une vulnérabilité plus importante que les hommes. Selon l’OMS, la transmission du VIH d’un homme à une femme pendant les rapports sexuels a deux à quatre fois plus de risques de se produire que la transmission d’une femme à un homme. 
En effet, la zone de muqueuse exposée au virus pendant le rapport sexuel est plus grande chez les femmes et la fragilité des parois vaginales offre de multiples voies d’entrée au virus. Ceci est particulièrement vrai chez les jeunes filles, dont le col de l’utérus, immature, et la faible production de mucus vaginal, ne procurent qu’une mince barrière contre les infections. En outre, la concentration du virus est plus importante dans le sperme que dans les sécrétions vaginales et le sperme peut rester plusieurs jours dans le tractus génital féminin.
JPEG - 5.4 ko
“Three ages of woman” Gustav Klimt- Wikimedia commons -"
Les femmes sont plus vulnérables lors de certaines périodes de la vie génitale avec des rapports plus à risques pendant les règles, la grossesse, la période suivant l’accouchement et la ménopause. Chez les femmes ménopausées, une diminution de la lubrification vaginale et l’amincissement de la paroi interne du vagin augmentent le risque de contracter le VIH, puisque la relation sexuelle se produit dans un vagin plus sec, où la muqueuse est plus susceptible de se déchirer ou se fissurer, favorisant l’entrée du virus.
De même des rapports anaux violents, non protégés, peuvent entraîner des déchirures et des saignements facilitant l’entrée du VIH. Or dans certaines cultures, ce type de rapport sexuel peut être préféré pour préserver la virginité et éviter la grossesse.
Il existe une aggravation du risque de transmission du VIH en cas d’infections sexuellement transmissibles non traitées chez l’un ou l’autre des partenaires. L’existence d’une IST multiplierait par 10 le risque de transmission du VIH. Malheureusement, ces IST passent souvent inaperçues chez la femme ; en effet dans 50 à 80% des cas, les femmes qui ont contracté une IST l’ignorent du fait de l’absence de signes pathognomoniques.
En raison de ce retard de diagnostic et de leur plus grande vulnérabilité biologique aux complications des infections non traitées, la morbidité imputable aux infections sexuellement transmissibles est bien plus élevée chez les femmes. 
Les IST qui peuvent être soignées, comme la gonococcie, l’infection à chlamydia, la syphilis et l’infection à trichomonase, non seulement entraînent des symptômes aigus mais provoquent également des infections chroniques. 
Les femmes d’Amérique latine et d’Afrique subsaharienne sont les plus à risque de contracter ces infections. Dans le monde, c’est essentiellement la tranche d’âge 15-24 ans qui est la plus touchée. 
Parmi les conséquences à plus long terme des infections sexuellement transmissibles figurent la stérilité, la grossesse extra-utérine, le risque d’issues défavorables de la grossesse, les cancers, et l’augmentation de la vulnérabilité à l’infection à VIH.
Vulnérabilité culturelle
Cette vulnérabilité est due au fait que les filles ont moins accès à l’éducation. Il apparaît en effet que malgré une hausse importante entre 2000 et 2006 du nombre de filles ayant bénéficié d’une instruction primaire, on recense encore 580 millions de femmes illettrées (deux fois plus que les hommes) et 70 millions de non scolarisées.
Beaucoup de filles sont ignorantes en ce qui concerne le VIH et la sexualité. 
- Force est de constater que dans certains pays, les normes sociales imposent une ignorance dangereuse aux filles et aux jeunes femmes pour ce qui concerne les questions sexuelles. Ce manque de connaissance amplifie le risque qu’elles soient infectées par le VIH. 
- Le rapport de l’OMS montre que seules 38 % des jeunes femmes dans le monde sont capables de décrire les principaux moyens d’éviter l’infection par le VIH. Il ressort également de cette enquête que les jeunes femmes risquent davantage que les jeunes hommes d’ignorer que les préservatifs peuvent les protéger du VIH.
Les filles font l’objet de pratiques culturelles dangereuses dans certaines régions du monde (Mutilations sexuelles, pratiques sexuelles dangereuses, croyances, valorisation de la maternité) rendant difficile le recours à des moyens contraceptifs ou à des rapports sexuels protégés. 
- Selon le rapport de l’OMS, en Afrique 92,5 millions de filles de plus de 10 ans vivent avec des séquelles de mutilations sexuelles féminines (MSF), dont 12 millions ont entre 10 et 14 ans. 
- Ces pratiques ne sont pas seulement localisées au niveau du continent africain. En France, les données du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville montraient qu’en 2008 :
  • 65 000 femmes et fillettes étaient mutilées ou menacées de l’être ;
  • 70 000 adolescentes de 10 à 18 ans étaient potentiellement menacées de mariage forcé en Ile-de-France et dans six départements à forte population immigrée (Nord, Oise, Seine-Maritime, Eure, Rhône, Bouches-du-Rhône) selon les estimations du GAMS, Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles.
JPEG - 2.6 ko
Charles Thomson.”Woman in the Dark”.- Wikimedia commons - ; GNU Free Documentation License, Version 1.2
Vulnérabilité socio-économique 
Les femmes ont encore un statut social défavorable dans de nombreux pays et sont même traitées comme socialement inférieures dans certains, rendant l’accès aux services de prévention et de soins quasi impossible. Les femmes sont souvent tributaires des hommes sur les plans économique et financier. Les femmes pauvres ont souvent recours à la prostitution pour pouvoir acheter des produits de première nécessité et ne sont pas en situation d’exiger des rapports protégés.
Dans beaucoup de pays d’Afrique, les jeunes femmes ont tendance à avoir des relations sexuelles avec des hommes plus âgés qui risquent davantage d’être infectés par le VIH.
L’épidémie de sida a un impact disproportionné sur les femmes car lors des catastrophes et des situations d’urgence, ce sont elles qui sont les plus exposées.
Les femmes sont souvent victimes de violences. La violence à l’égard des femmes qu’elle ait lieu dans la sphère familiale, sociale ou lors de conflits armés, rend difficile pour ne pas dire impossible le contrôle de leur vie sexuelle, favorisant ainsi les risques de transmission du VIH. La violence, ou la menace de violence, peut également modifier le comportement des femmes qui, par peur, évitent les services de prévention, de traitement et de soins liés au VIH. 
En France, les derniers chiffres du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville étaient les suivants : 
- En ce qui concerne les violences conjugales :
  • En 2007, 166 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ;
  • 410 000 femmes majeures ont déclaré avoir été victimes de violences physiques de la part d’un conjoint ou ex-conjoint en 2005 ou 2006.
- Les violences au travail :
  • 17% des femmes (1 femme sur 6) se sont plaintes de pressions psychologiques au travail, 8,5% d’agressions verbales ;
  • 2 % des femmes ont dénoncé des agressions (attouchements, tentatives de viol et viol) et du harcèlement d’ordre sexuel (avances, attouchements, exhibitionnisme…).
Dans son Cadre de résultats du Programme pour 2009 - 2011, l’ONUSIDA a fait de la violence à l’égard des femmes et des filles l’une de ses neuf priorités. 
L’objectif est de faire de la riposte au sida une opportunité de réduire la violence exercée par les partenaires intimes et la violence sexuelle, et d’élaborer des ripostes complètes à la violence sexospécifique et des mesures de prévention du VIH au sein du secteur de la santé et au-delà.
Mesures préconisées par l’OMS
L’OMS a défini quatre domaines dans lesquels l’action politique pourrait avoir un effet positif sur la santé des femmes : 
- la construction d’un encadrement solide et d’une réponse institutionnelle cohérente qui fusionneraient autour d’un programme clair ; 
- l’adaptation des systèmes de santé aux femmes ; 
- l’exploitation des changements de la politique publique pour encourager les changements sociaux fondamentaux (par exemple par le biais d’actions ciblées visant à aider les filles à aller à l’école) ; 
- la construction du socle de connaissances et le suivi des progrès réalisés.
BMP - 69.7 ko
OMS
Construction d’un encadrement solide et d’une réponse institutionnelle cohérente qui fusionneraient autour d’un programme clair 
Il faut intégrer la question de parité hommes-femmes à tous les niveaux de l’élaboration des politiques et des programmes, par des analyses par sexe systématiques et par la mise en oeuvre d’actions pour corriger les inégalités et tendre vers un équilibre des pouvoirs et de la distribution des ressources entre les hommes et les femmes.
Adaptation des systèmes de santé aux femmes 
- Il faut tendre à répondre aux préoccupations premières des femmes qui se font soigner, en appliquant des valeurs élémentaires telles que le respect, le confiance, la confidentialité et en protégeant leur autonomie en matière sanitaire.
- Dans certains pays, il faudra veiller à éliminer les partis pris sexistes et les discriminations dont elles font l’objet, conduisant parfois à leur exclusion du système de santé.
- Il faut encourager les prestataires de soins à dénoncer toutes les pratiques portant atteinte aux droits des femmes et ayant des répercussions négatives sur leur santé telles que les violences sexuelles, les mutilations sexuelles féminines, le mariage forcé.
- Une adaptation des systèmes de soins aux spécificités féminines est nécessaire. En ce qui concerne les femmes vivant avec le VIH, celles-ci devraient avoir accès à des évaluations et des traitements recherchant leur bien-être propre et pas uniquement à des interventions visant à réduire le risque de transmission mère-enfant.
- Il faut revoir l’offre de soins en matière de santé sexuelle et génésique qui pour l’instant est surtout destinée aux femmes mariées, afin de répondre aux besoins des adolescentes non mariées et des femmes marginalisées telles que les professionnelles du sexe.
Exploitation des changements de la politique publique pour encourager les changements sociaux fondamentaux
Il faut développer des politiques publiques ayant une incidence sur les déterminants de l’exposition aux risques, de la vulnérabilité à la maladie, de l’accès aux soins et des conséquences de la mauvaise santé chez les femmes : 
- protèger les droits de propriété des femmes ; 
- favoriser l’égalité d’accès à l’emploi formel ainsi que l’équité entre les sexes sur le lieu de travail ; 
- encourager les filles à se rendre à l’école et y rester inscrites, en fournissant des repas scolaires, en construisant des installations sanitaires séparées, en garantissant un environnement scolaire sans risque et en favorisant des mariages plus tardifs ; 
- promouvoir l’accès de toutes les adolescentes à l’instruction et à une éducation sexuelle complète.
Construction du socle de connaissances et suivi des progrès 
Il faut améliorer les systèmes d’information stratégiques de collecte et d’utilisation de données par âge et par sexe, afin de pouvoir évaluer les résultats des actions mises en oeuvre. Ce peut être par la mise en place de systèmes d’état civil qui identifient et comptabilisent les naissances, les décès et les causes de décès.
La participation des femmes et celle des représentants des organisations féminines est indispensable pour mettre au point un programme de recherche mieux adapté, aider à interpréter les résultats des travaux et faciliter les changements de politique.
Pour en savoir plus : 
- Facteurs de risque des l’infection à VIH/sida chez la femme 
- ONUSIDA : Déclaration de Michel Sidibé, Directeur exécutif à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire